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LIVRE ix.

épées sont longues. Les Brutiens sont légers à la course comme les cerfs et comme les daims. On croirait que l’herbe même la plus tendre n’est point foulée sous leurs pieds ; à peine laissent-ils dans le sable quelque trace de leurs pas. On les voit tout à coup fondre sur leurs ennemis, et puis disparaître avec une égale rapidité. Les peuples de Crotone sont adroits à tirer des flèches. Un homme ordinaire parmi les Grecs ne pourrait bander un arc tel qu’on en voit communément chez les Crotoniates ; et si jamais ils s’appliquent à nos jeux, ils y remporteront les prix. Leurs flèches sont trempées dans le suc de certaines herbes venimeuses, qui viennent, dit-on, des bords de l’Averne, et dont le poison est mortel. Pour ceux de Nérite, de Brindes et de Messapie, ils n’ont en partage que la force du corps et une valeur sans art. Les cris qu’ils poussent jusqu’au ciel, à la vue de leurs ennemis, sont affreux. Ils se servent assez bien de la fronde, et ils obscurcissent l’air par une grêle de pierres lancées ; mais ils combattent sans ordre. Voilà Mentor, ce que vous désiriez de savoir : vous connaissez maintenant l’origine de cette guerre, et quels sont nos ennemis.

Après cet éclaircissement, Télémaque, impatient de combattre, croyait n’avoir plus qu’à prendre les armes. Mentor le retint encore, et paria ainsi à Idoménée : D’où vient donc que les Locriens même, peuples sortis de la Grèce, s’unissent aux barbares contre les Grecs ? D’où vient que tant de colonies grecques fleurissent sur cette côte de la mer, sans avoir les mêmes guerres à soutenir que vous ? Ô Idoménée, vous dites que les dieux ne sont pas encore las de vous persécuter ; et moi, je dis qu’ils n’ont pas encore achevé de vous instruire. Tant de malheurs que vous avez soufferts ne vous ont pas encore appris ce qu’il faut