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TÉLÉMAQUE.

d’Achamas furent changés. Le charme se rompit ; il vit le rivage tel qu’il était véritablement, et reconnut son erreur. Je l’avoue, ô Télémaque, s’écria-t-il : quelque divinité ennemie avait enchanté mes yeux ; je croyais voir Ithaque, et son image tout entière se présentait à moi ; mais dans ce moment elle disparaît comme un songe. Je vois une autre ville ; c’est sans doute Salente, qu’Idoménée, fugitif de Crète, vient de fonder dans l’Hespérie : j’aperçois des murs qui s’élèvent, et qui ne sont pas encore achevés ; je vois un port qui n’est pas encore entièrement fortifié.

Pendant qu’Achamas remarquait les divers ouvrages nouvellement faits dans cette ville naissante, et que Télémaque déplorait son malheur, le vent que Neptune faisait souffler les fit entrer à pleines voiles dans une rade où ils se trouvèrent à l’abri, et tout auprès du port.

Mentor, qui n’ignorait ni la vengeance de Neptune, ni le cruel artifice de Vénus, n’avait fait que sourire de l’erreur d’Achamas. Quand ils furent dans cette rade. Mentor dit à Télémaque : Jupiter vous éprouve ; mais il ne veut pas votre perte : au contraire, il ne vous éprouve que pour vous ouvrir le chemin de la gloire. Souvenez-vous des travaux d’Hercule ; ayez toujours devant vos yeux ceux de votre père. Quiconque ne sait pas souffrir n’a point un grand cœur. Il faut, par votre patience et par votre courage, lasser la cruelle fortune qui se plaît à vous persécuter. Je crains moins pour vous les plus affreuses disgrâces de Neptune, que je ne craignais les caresses flatteuses de la déesse qui vous retenait dans son île. Que tardons-nous ? entrons dans ce port ; voici un peuple ami ; c’est chez les Grecs que nous arrivons : Idoménée, si maltraité par la fortune, aura pitié des malheureux. Aussitôt ils entrèrent dans le port de Salente, où le vaisseau phénicien fut reçu