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LIVRE viii.

obéit avec tant de violence que le navire arriva bientôt sur le rivage que Neptune avait marqué.

Déjà l’aurore annonçait le jour ; déjà les étoiles, qui craignent les rayons du soleil, et qui en sont jalouses, allaient cacher dans l’Océan leurs sombres feux, quand le pilote s’écria : Enfin, je n’en puis plus douter, nous touchons presque à l’île d’Ithaque ! Télémaque, réjouissez-vous ; dans une heure vous pourrez revoir Pénélope, et peut-être trouver Ulysse remonté sur son trône ! À ce cri, Télémaque, qui était immobile dans les bras du sommeil, s’éveille, se lève, monte au gouvernail, embrasse le pilote, et de ses yeux encore à peine ouverts regarde fixement la côte voisine. Il gémit, ne reconnaissant point les rivages de sa patrie. Hélas ! où sommes-nous ? dit-il ; ce n’est point là ma chère Ithaque ! vous vous êtes trompé, Achamas ; vous connaissez mal cette côte, si éloignée de votre pays. Non, non, répondit Achamas ; je ne puis me tromper en considérant les bords de cette île. Combien de fois suis-je entré dans votre port ! j’en connais jusques aux moindres rochers ; le rivage de Tyr n’est guère mieux dans ma mémoire. Reconnaissez cette montagne qui avance ; voyez ce rocher qui s’élève comme une tour ; n’entendez-vous pas la vague qui se rompt contre ces autres rochers, lorsqu’ils semblent menacer la mer par leur chute ? Mais ne remarquez-vous pas le temple de Minerve qui fend la nue ? Voilà la forteresse, et la maison d’Ulysse votre père.

Vous vous trompez, ô Achamas, répondit Télémaque ; je vois au contraire une côte assez relevée, mais unie ; j’aperçois une ville qui n’est point Ithaque. Ô dieux ! est-ce ainsi que vous vous jouez des hommes !

Pendant qu’il disait ces paroles, tout à coup les yeux