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lui plaire ; elle gagne sa confiance, et le charme moins par sa beauté que par sa vertu. Ce vrai charme de leur société dure autant que leur vie. La sobriété, la modération et les mœurs pures de ce peuple lui donnent une vie longue et exempte de maladies. On y voit des vieillards de cent et de six vingt ans, qui ont encore de la gaîté et de la vigueur.

Il me reste, ajoutait Télémaque, à savoir comment ils font pour éviter la guerre avec les autres peuples voisins. La nature, dit Adoam, les a séparés des autres peuples d’un côté par la mer, et de l’autre par des hautes montagnes du côté du nord. D’ailleurs, les peuples voisins les respectent à cause de leur vertu. Souvent les autres peuples, ne pouvant s’accorder entre eux, les ont pris pour juges de leurs différends, et leur ont confié les terres et les villes qu’ils disputaient entre eux. Comme cette sage nation n’a jamais fait aucune violence, personne ne se défie d’elle. Ils rient quand on leur parle des rois qui ne peuvent régler entre eux les frontières de leurs États. Peut-on craindre, disent-ils, que la terre manque aux hommes ! il y en aura toujours plus qu’ils n’en pourront cultiver. Tandis qu’il restera des terres libres et incultes, nous ne voudrions pas même défendre les nôtres contre des voisins qui viendraient s’en saisir. On ne trouve, dans tous les habitants de la Bétique, ni orgueil, ni hauteur, ni mauvaise foi, ni envie d’étendre leur domination. Ainsi leurs voisins n’ont jamais rien à craindre d’un tel peuple, et ils ne peuvent espérer de s’en faire craindre ; c’est pourquoi ils les laissent en repos. Ce peuple abandonnerait son pays, ou se livrerait à la mort, plutôt que d’accepter la servitude : ainsi il est autant difficile à subjuguer, qu’il est incapable de vou-