Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
LIVRE vii.

À peine y furent-ils entrés, que, ne pouvant plus respirer, ils demeurèrent immobiles ; car ils avaient nagé longtemps et avec effort pour résister aux vagues. Peu à peu ils reprirent leurs forces : on leur donna d’autres habits, parce que les leurs étaient appesantis par l’eau qui les avait pénétrés, et qui coulait de tous côtés. Lorsqu’ils furent en état de parler, tous ces Phéniciens, empressés autour d’eux, voulaient savoir leurs aventures. Celui qui commandait leur dit : Comment avez-vous pu entrer dans cette île d’où vous sortez ? Elle est, dit-on, possédée par une déesse cruelle, qui ne souffre jamais qu’on y aborde. Elle est même bordée de rochers affreux, contre lesquels la mer va follement combattre, et on ne pourrait en approcher sans faire naufrage. Aussi est-ce par un naufrage, répondit Mentor, que nous y avons été jetés. Nous sommes Grecs ; notre patrie est l’île d’Ithaque, voisine de l’Épire, où vous allez. Quand même vous ne voudriez pas relâcher en Ithaque, qui est sur votre route, il nous suffirait que vous nous menassiez dans l’Épire ; nous y trouverons des amis qui auront soin de nous faire faire le court trajet qui nous restera, et nous vous devrons à jamais la joie de revoir ce que nous avons de plus cher au monde.

Ainsi c’était Mentor qui portait la parole ; et Télémaque, gardant le silence, le laissait parler : car les fautes qu’il avait faites dans l’île de Calypso augmentèrent beaucoup sa sagesse. Il se défiait de lui-même ; il sentait le besoin de suivre toujours les sages conseils de Mentor ; et quand il ne pouvait lui parler pour lui demander ses avis, du moins il consultait ses yeux et tâchait de deviner toutes ses pensées.

Le commandant phénicien, arrêtant ses yeux sur Té-