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LIVRE v.

Le diadème fut mis par le chef des vieillards, gardes des lois, sur la tête d’Aristodème. On fit des sacrifices à Jupiter et aux autres grands dieux. Aristodème nous fit des présents, non pas avec la magnificence ordinaire aux rois, mais avec une noble simplicité. Il donna à Hasaël les lois de Minos écrites de la main de Minos même ; il lui donna aussi un recueil de toute l’histoire de Crète, depuis Saturne et l’âge d’or ; il fit mettre dans son vaisseau des fruits de toutes les espèces qui sont bonnes en Crète et inconnues dans la Syrie, et lui offrit tous les secours dont il pourrait avoir besoin.

Comme nous pressions notre départ, il nous fit préparer un vaisseau avec un grand nombre de bons rameurs et d’hommes armés ; il y fit mettre des habits pour nous et des provisions. À l’instant même il s’éleva un vent favorable pour aller à Ithaque : ce vent, qui était contraire à Hasaël, le contraignit d’attendre. Il nous vit partir ; il nous embrassa comme des amis qu’il ne devait jamais revoir. Les dieux sont justes, disait-il, ils voient une amitié qui n’est fondée que sur la vertu : un jour ils nous réuniront ; et ces champs fortunés, où l’on dit que les justes jouissent après la mort d’une paix éternelle, verront nos âmes se rejoindre pour ne se séparer jamais. Oh ! si mes cendres pouvaient aussi être recueillies avec les vôtres !… En prononçant ces mots, il versait des torrents de larmes, et les soupirs étouffaient sa voix. Nous ne pleurions pas moins que lui : et il nous conduisit au vaisseau.

Pour Aristodème, il nous dit : C’est vous qui venez de me faire roi ; souvenez-vous des dangers où vous m’avez mis. Demandez aux dieux qu’ils m’inspirent la vraie sagesse, et que je surpasse autant en modération les autres hommes, que je les surpasse en autorité. Pour moi, je les