Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
TÉLÉMAQUE.

Le dieu lui répondit : Les tiens cesseront de régner quand un étranger entrera dans ton île pour y faire régner tes lois. Nous avions craint que quelque étranger viendrait faire la conquête de l’île de Crète ; mais le malheur d’Idoménée, et la sagesse du fils d’Ulysse, qui entend mieux que nul autre mortel les lois de Minos, nous montrent le sens de l’oracle. Que tardons-nous à couronner celui que les destins nous donnent pour roi ?

Aussitôt les vieillards sortent de l’enceinte du bois sacré ; et le premier, me prenant par la main, annonce au peuple déjà impatient, dans l’attente d’une décision, que j’avais remporté le prix. À peine acheva-t-il de parler qu’on entendit un bruit confus de toute l’assemblée. Chacun pousse des cris de joie. Tout le rivage et toutes les montagnes voisines retentissent de ce cri : Que le fils d’Ulysse, semblable à Minos, règne sur les Crétois !

J’attendis un moment, et je faisais signe de la main pour demander qu’on m’écoutât. Cependant Mentor me disait à l’oreille : Renoncez-vous à votre patrie ? l’ambition de régner vous fera-t-elle oublier Pénélope, qui vous attend comme sa dernière espérance, et le grand Ulysse, que les dieux avaient résolu de vous rendre ? Ces paroles percèrent mon cœur, et me soutinrent contre le vain désir de régner.

Cependant un profond silence de toute cette tumultueuse assemblée me donna le moyen de parler ainsi : Ô illustres Crétois, je ne mérite point de vous commander. L’oracle qu’on vient de rapporter marque bien que la race de Minos cessera de régner quand un étranger entrera dans cette île, et y fera régner les lois de ce sage roi ; mais il n’est pas dit que cet étranger régnera. Je veux croire que je suis cet étranger marqué par l’oracle. J’ai accompli la