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LIVRE v.

Le premier combat fut celui de la lutte. Un Rhodien d’environ trente-cinq ans surmonta tous les autres qui osèrent se présenter à lui. Il était encore dans toute la vigueur de la jeunesse : ses bras étaient nerveux et bien nourris ; au moindre mouvement qu’il faisait, on voyait tous ses muscles : il était également souple et fort. Je ne lui parus pas digne d’être vaincu, et regardant avec pitié ma tendre jeunesse, il voulut se retirer ; mais je me présentai à lui. Alors nous nous saisîmes l’un l’autre ; nous nous serrâmes, à perdre la respiration. Nous étions épaule contre épaule, pied contre pied, tous les nerfs tendus, et les bras entrelacés comme des serpents, chacun s’efforçant d’enlever de terre son ennemi. Tantôt il essayait de me surprendre en me poussant du côté droit, tantôt il s’efforçait de me pencher du côté gauche. Pendant qu’il me tâtait ainsi, je le poussai avec tant de violence que ses reins plièrent : il tomba sur l’arène, et m’entraîna sur lui. En vain il tâcha de me mettre dessous ; je le tins immobile sous moi ; tout le peuple cria : Victoire au fils d’Ulysse ! et j’aidai au Rhodien confus à se relever.

Le combat du ceste fut plus difficile. Le fils d’un riche citoyen de Samos avait acquis une haute réputation dans ce genre de combats. Tous les autres lui cédèrent ; il n’y eut que moi qui espérai la victoire. D’abord il me donna dans la tête, et puis dans l’estomac, des coups qui me firent vomir le sang, et qui répandirent sur mes yeux un épais nuage. Je chancelai ; il me pressait, et je ne pouvais plus respirer ; mais je fus ranimé par la voix de Mentor, qui me criait : Ô fils d’Ulysse, seriez-vous vaincu ? La colère me donna de nouvelles forces ; j’évitai plusieurs coups dont j’aurais été accablé. Aussitôt que le Samien m’avait porté un faux coup, et que son bras s’allongeait en vain,