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Et tu chantes les bois, puisque tu vis encore ;
Tu chantes : pour l’oiseau respirer, c’est chanter.
Mais quoi ! pour moduler l’ennui qui te dévore,
Sous le voile vivant qui t’usurpe l’aurore,
Combien d’autres accents te faut-il inventer !

Un cœur d’oiseau sait-il tant de notes plaintives ?
Ah ! quand la liberté soufflait dans tes chansons,
Qu’avec ravissement tes ailes incaptives
Dans l’azur sans barrière emportaient ses leçons !

Douce horloge du soir aux saules suspendue,
Ton timbre jetait l’heure aux pâtres dispersés !
Mais le timbre égaré dans ta clarté perdue
Sonne toujours minuit sur tes chants oppressés :
Tes chants n’éveillent plus la pâle primevère,
Qui meurt sans recevoir les baisers du soleil,
Ni le bluet fermé sous le doigt du sommeil,
Qui se rouvre baigné d’une rosée amère.
Tu ne sais plus quel astre éclaire tes instants !
Tu bois, sans les compter, tes heures de souffrance !
Car la veille sans espérance
Ne sent pas la fuite du temps !