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LES MOUTONS.


Hélas, petits moutons, que vous êtes heureux !
Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes.
Aussitôt aimés qu’amoureux,
On ne vous force point à répandre des larmes ;
Vous ne formez jamais d’inutiles désirs,
Dans vos tranquilles cœurs l’amour suit la nature ;
Sans ressentir ses maux, vous avez ses plaisirs.
L’ambition, l’honneur, l’intérêt, l’imposture,
Qui font tant de maux parmi nous,
Ne se rencontrent point chez vous.
Cependant nous avons la raison pour partage,
Et vous en ignorez l’usage.
Innocens animaux, n’en soyez point jaloux ;
Ce n’est pas un grand avantage.
Cette fière raison, dont on fait tant de bruit.
Contre les passions n’est pas un sûr remède.
Un peu de vin la trouble, un enfant la séduit ;