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Si tout doit obéir à nos ordres suprêmes,
Si tout est fait pour nous, s’il ne faut que vouloir,
Que n’employons-nous mieux ce souverain pouvoir ?
Que ne régnons-nous sur nous-mêmes ?
Mais, hélas ! De ses sens esclave malheureux,
L’homme ose se dire le maître
Des animaux, qui sont peut-être
Plus libres qu’il ne l’est, plus doux, plus généreux,
Et dont la foiblesse a fait naître
Cet empire insolent qu’il usurpe sur eux.
Mais que sais-je ? Où va me conduire
La pitié des rigueurs dont contre eux nous usons ?
Ai-je quelque espoir de détruire
Des erreurs où nous nous plaisons ?
Non, pour l’orgueil et pour les injustices
Le cœur humain semble être fait.
Tandis qu’on se pardonne aisément tous les vices,
On n’en peut souffrir le portrait.
Hélas ! On n’a plus rien à craindre :
Les vices n’ont plus de censeurs ;
Le monde n’est rempli que de lâches flatteurs :
Savoir vivre, c’est savoir feindre.
Ruisseau, ce n’est plus que chez vous
Qu’on trouve encor de la franchise !