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LOUISE LABÉ.

SONNET.


Tant que mes yeux pourront larmes répandre
Pour l’heur passé avec toi regretter,
Et que, pouvant aux soupirs résister,
Pourra ma voix un peu se faire entendre ;

Tant que ma main pourra les cordes tendre
Du mignard luth, pour tes grâces chanter ;
Tant que l’esprit se voudra contenter
De ne vouloir rien, fors que toi comprendre ;

Je ne souhaite encore point mourir :
Mais quand mes yeux je sentîrai tarir,
Ma voix cassée et ma main impuissante,

Et mon esprit, en ce mortel séjour,
Ne pouvant plus montrer signe d’amante,
Prîrai la mort de me ravir le jour.