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Traversent un grenier aux murailles poudreuses.
Dans un angle, un bahut en cuir noir damassé,
S’étalait au milieu des débris du passé,
De ces meubles vieillis qu’une mode nouvelle
Jette au rebut après un service fidèle.
Ainsi nous délaissons nos parens, nos amis
Qui sont auprès de nous dans la tombe endormis.

Pourtant ce vieux bahut à couverture noire
Au château rappelait une touchante histoire :
Une enfant du hameau, mariée au Brésil,
N’avait trouvé là-bas qu’une terre d’exil
Quand la mort amena sa dernière journée :
„Je veux dormir, dit-elle, aux lieux où je suis née !“
Et ses filles en pleurs jurèrent qu’au hameau,
Auprès de sa famille elle aurait un tombeau.
Pour accomplir ce vœu, traversant l’onde amère,
Elles vinrent en France ensevelir leur mère.
Mon aïeul au château les reçut, et leurs jours
Sous ce toit protecteur achevèrent leur cours.
À leur mort ma grand’mère entendit les créoles
Lui murmurer tout bas quelques vagues paroles…
„De notre gratitude acceptez ce tribut…“
Disaient-elles, du geste indiquant le bahut ;