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Partageâtes l’orgueil de votre heureuse enfant.
Et l’aïeule charmée embrassait Henriette,
Dont l’âme s’éveillait innocente et coquette,
Et qui brodait, rieuse, une robe de bal,
Rêvant fête et succès dans son cœur virginal.

Cécile à côté d’elle écoutait sans comprendre
Des projets de plaisir qu’elle n’eût osé prendre ;
Le monde était pour elle encore sans douceur :
Lorsque dans une fête on conduisait sa sœur,
Résistant aux désirs mondains de son aïeule,
Aux champs, près de sa mère, elle demeurait seule ;
Et sa main répandait sur le pauvre oublié
L’argent qu’à se parer elle aurait employé.
C’est que son âme pure, ineffable mystère,
Sentait qu’elle n’avait qu’à passer sur la terre,
Et que l’exil commun pour elle raccourci,
Rapide, en peu de jours devait finir ici.
On voyait au souris de sa bouche si pâle,
À son teint transparent et blanc comme l’opale,
À la veine d’azur qui cernait ses doux yeux,
Qu’elle devait bientôt s’en retourner aux cieux.
Ce soir-là l’incarnat se jouait sur sa joue,
Comme un rayon pourpré qui sur l’onde se joue,