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— XII —

les ramena au milieu de la foule qu’elle sut si bien intéresser en leur faveur qu’ils devinrent aussitôt l’objet d’une véritable ovation.

Or les deux vieillards étaient de puissants enchanteurs, et pour prouver leur reconnaissance ils offrirent à la pauvre fille de l’or, des dentelles, des bijoux, des palais, des honneurs, des triomphes, et la comblèrent, en un mot, de toutes sortes de biens. La jeune fille s’appelait Rachel ; Jean Racine et Pierre Corneille étaient les noms sonores de ses deux protégés.

Que si, nous détournant du théâtre de ces luttes, nous portons nos regards sur un autre horizon, là-bas où la brume ondoyante donne un certain vague aux objets et en adoucit les contours, nous y verrons, comme en une ronde fantastique sur les bruyères de l’Ecosse, des formes indécises, brillantes et vaporeuses à la fois. Elles passent, blanches, tristes, voilées ; elles se tiennent par la main et chantent de douces et plaintives mélodies qui, ainsi entendues de loin, ressemblent au bruissement des feuilles, au murmure du ruisseau, au froissement des grandes herbes balancées par la brise et qui, vous plongeant dans de molles rêveries, vous isolent du fracas de la vie et ne vous rendent guère attentif qu’au battement de votre cœur.

N’est-ce pas là le caractère et la position des femmes-poëtes dans l’histoire littéraire de la France ? Ne leur demandez pas tout l’éclat, toute l’étendue, toute la portée dont la voix humaine peut être susceptible ; elles se