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— XI —

milieu même de sa glorieuse pléïade lui fit mordre la poussière, et, il n’y a pas longtemps encore que V. Hugo faillit étouffer dans ses bras ce même Boileau avec toute son armée.

Ce dernier combat fut surtout acharné : classiques et romantiques se maltraitèrent à l’envi, et semblèrent éclipser dans leurs rivalités haineuses et les Guelfes et les Gibelins.

Et qu’il fut triste le sort de ceux qui sortirent vaincus de cette ardente mêlée ! ils se virent hués, conspués, couverts d’affronts et de boue, et je sais à cet endroit une histoire bien singulière, qui ressemble même fort à un conte des Mille et une Nuits : Il y avait une fois une pauvre fille, une Juive qui, comme la Tisbé, gagnait, dit-on, son pain à chanter des chansons morlaques sur le seuil des tavernes. Un soir elle vit se dessiner dans l’ombre deux figures de vieillards qui ne cheminaient qu’avec peine, se soutenant l’un l’autre et qui semblaient près de s’affaisser sur eux-mêmes.

Elle s’approcha et les considérant avec attention elle put admirer leur front large, leur œil inspiré, leur geste tout plein de noblesse. Victimes du dernier combat, comme l’attestaient leurs vêtements en lambeaux, la souillure dont ils étaient couverts et mille autres marques de violence, ils semblaient chercher quelque recoin obscur pour y mourir sans témoins. Touchée de compassion, la jeune Juive leur adressa la parole, chercha de son mieux à les consoler, leur offrit l’appui de son bras,