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La Poésie avait fait fausse route ; en voulant rejoindre la nature, elle l’avait distancée, et en était plus éloignée peut-être sous la basquine et le rebozo que sous le peplos de Phèdre.

Il faut lui rendre cette justice qu’elle n’a point tardé à reconnaître son erreur, et qu’elle est retournée en arrière, s’en allant à tâtons et le pas angoissé comme un trappeur qui a perdu sa piste. Aujourd’hui — — — mais aujourd’hui n’appartient pas encore à l’histoire, et c’est, quoi qu’on en puisse penser, de la grave histoire que nous faisons ici.

Ce serait se tromper grandement que de croire que ces évolutions successives de la Poésie se passèrent aussi simplement, aussi ingénuement qu’un changement de masque dans le bal. Non pas : la Poésie eut en tout temps ses adorateurs, ses adeptes, ses prêtres, ses pontifes qui, tous plus ou moins formalistes, lui rendaient leur culte sous sa forme présente et ne pouvaient ou ne voulaient plus la reconnaître dès qu’elle en changeait.

Il est bien vrai qu’à chacune de ces métamorphoses, il se présentait aussitôt nouveaux adorateurs, nouveaux adeptes, nouveaux prêtres, nouveaux pontifes ; mais le temple de la Diva ne s’ouvrait point pour eux sans qu’ils eussent coups à férir. Les portes en étaient défendues vaillamment par leurs prédécesseurs, et c’était d’estoc et de taille qu’on se disputait l’encensoir. Ronsard, à l’appel de Joachim du Bellay, assaillit avec succès les troubadours et les trouvères ; Boileau attaquant Ronsard au