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À vous encor, mes sœurs, cet avenir qui brille ;
À vous tous ces plaisirs bruyants de jeune fille,
Puis cet anneau d’hymen, ce mot dit en tremblant,
Et ces grains d’orangers, couronne virginale :
Moi, pour voile de noce et robe nuptiale,
J’aurai mon linceul blanc ;

Lugubre vêtement jeté sous une pierre
Qui tient ensevelis dans une étroite bière
Bien des illusions, bien du bonheur rêvé,
Qui tombe par lambeaux sous la terre jalouse,
Et que les battements d’un cœur de jeune épouse
N’ont jamais soulevé.

Moi, dans un long cercueil, étendue, insensible,
Morte ! — quoi ! je mourrais ! … Oh ! non, c’est impossible.
Quand on a devant soi tout un large avenir,
Quand les jours sont joyeux, quand la vie est légère,
Quand on a dix-huit ans, n’est-ce pas ? bonne mère,
On ne peut pas mourir.

Je veux jouir encor de toute la nature,
De la fleur dans les prés, du ruisseau qui murmure,