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Car j’ignorais alors que le ciel à la femme
Eût dit : „Tu grandiras pour aimer et souffrir !“
Et qu’aimer et souffrir fût même chose à l’âme,
Et fit toujours mourir.

Heureux temps, où mes pieds, dans leur folle vitesse,
Semblaient ne pas poser sur le parquet glissant,
Où mes regards, n’ayant ni langueur ni tristesse,
Trouvaient tout ravissant ;

Où je ne cherchais pas, jalouse et soucieuse,
Du regard un regard, d’une main une main ;
Où le bal le plus beau, pour mon âme oublieuse,
Était sans lendemain ;

Où jamais au retour, une pensée amère,
N’ayant entremêlé de pleurs un court adieu,
Je m’endormais, donnant un baiser à ma mère,
Une prière à Dieu !

Que l’on m’eût dit alors : tu deviendras rêveuse,
Puis triste, toujours triste, et j’aurais ri longtemps,
Sans comprendre qu’on pût se trouver malheureuse
Plus de quelques instants !