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— VIII —

artifices la faisaient admirablement cadrer avec ce siècle qu’on a surnommé le grand ; et si, pour affecter ce caractère de grandeur elle s’était vêtue à l’antique, c’est que, suivant l’optique de l’imagination, les objets enflent leurs dimensions en s’enfonçant dans les horizons lointains, c’est qu’on n’avait point encore fouillé Herculanum et Pompeïa où l’étroitesse des demeures jure si énergiquement avec l’idée que nous nous faisons de leurs gigantesques habitants ; c’est enfin qu’avant d’avoir touché du doigt les ustensiles de la vie intime des Romains on eût juré sans peine que les ancilles elles-mêmes babillaient dans le style de Tacite en se rendant au marché. Quoi qu’il en soit et quoi qu’on en ait dit plus tard, la Poésie alors était belle et d’une noble beauté ; ce qui lui manquait en naturel était justement ce qui la faisait si fort harmoniser avec la royauté ; aussi tant que celle-ci conserva, par la grâce de Dieu, quelque rayon d’auréole, on vit celle-là demeurer au pied du trône, avec le même costume, les mêmes attributs, et, lorsqu’avec les Encyclopédistes elle commença à se faire raisonneuse et prêcheuse, elle crut, pour mieux se faire entendre, ne pas devoir en changer.

Cependant une nouvelle ère se préparait pour la France : le volcan populaire menaçait d’éruption. Il se fit un grand bruit, et des monuments dont les bases semblaient aussi fermes que celles des grandes montagnes, tremblèrent et furent renversés. Aux splendeurs de Versailles succédèrent celles de la place de Grève. On