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Porter incessamment tout le faix de la vie ;
À ses nécessités, sans relâche asservie,
Passer de l’une à l’autre, y pourvoir tour à tour,
Comme le passereau, grain à grain, goutte à goutte,
N’avoir pas d’heure qui ne coûte,
De jour qu’on n’ait payé d’un jour ;

Obéir, sans jamais disposer de soi-même,
Au sourd bourdonnement de cette voix suprême,
Qui trouble le silence ou domine le bruit ;
Et soit qu’on ait cherché la retraite ou la foule,
Sentir le moment qui s’écoule,
Gâté par le moment qui suit ;

Aux chances du malheur, las enfin d’être en butte,
Invoquer à regret, trop faible dans la lutte,
Des appuis, dont peut-être on se fût tenu loin ;
Et pour dernier fardeau, portant son propre blâme,
Apprendre que l’orgueil de l’âme
Fléchit sous le poids du besoin :

Cela, c’est être pauvre ! — Où donc est ta justice,
Seigneur ? … Qu’à tant de maux ton pouvoir compatisse !