Page:Femmes-poëtes de la France, éd. Blanvalet, 1856.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— VI —

Fayel au nom du Sire de Coucy ; et puis chevauchant en croupe, et par moûts et par vaux, avec le Comte de Champagne, elle appelait à la Croisade cil vaillant bacheler ki aiment Dieu et l’onour ; ou bien, le bâton de voyage à la main, elle se mettait elle-même en route pour consoler Charles d’Orléans dans sa prison d’Angleterre, Richard Cœur-de-Lion dans son donjon d’Allemagne, et revenait enfin s’asseoir au foyer du marchand de Paris pour lui conter d’un ton narquois quelque joyeuse nouvelle. C’était, comme nous l’avons dit, une franche et lie vie que la sienne.

Mais voici qu’un jour elle pose son joli front sur sa petite main, plonge son minois éveillé dans la poudre des in-folio ; étudie grec et latin, enchaîne bravement ces deux langues à la sienne propre comme deux cadavres à un enfant, et se met à jargonner, je ne sais quel idiome triceps, au grand ébahissement des graves érudits qui seuls peuvent le comprendre.

Cabanes et castels furent fermés pour elle.

Ce n’est pas qu’elle n’eût conservé beaucoup de ses grâces premières, mais le bonnet doctoral ne lui seyait guère, aussi n’était-ce que quand elle l’ôtait par mégarde pour s’essuyer le front qu’on pouvait la reconnaître, et qu’on se trouvait tenté de lui murmurer à l’oreille pour la rappeler à elle-même :

Mignonne, allons voir si la rose…

Ce transissement cependant ne pouvait être de longue durée : il était pour cela trop contraire au bon