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qu’ils prétendaient que sa comédie des Nuées avait causé la mort de leur maître Socrate, qui fut condamné vingt-trois ans après. Voltaire est de tous ses critiques celui qui l’a le moins épargné ; car il a été jusqu’à dire que ce poète comique, qui n’est ni comique ni poète, n’aurait pas été admis parmi nous à donner ses farces à la foire Saint-Laurent. Une telle assertion devait soulever la colère des savans ; aussi M. Brunck, un des plus habiles critiques de nos jours pour la littérature grecque, n’a-t-il pu se dispenser de témoigner son indignation. Il prétend que jamais Voltaire n’avait lu Aristophane en grec ; qu’Aristophane ne voulait pas plus la mort de Socrate que celle d’Alcibiade, de Cléon, de Périclès, de Phryné, d’Euripide, et autres qu’il a joués, sans influer sur la mort des uns ni des autres. Le reproche le plus fondé qu’on puisse lui faire, ce sont les obscénités grossières, les plates et ordurières bouffonneries dont il a parsemé ses pièces. Julien l’Apostat, écrivant à un de ses pontifes, et lui indiquant les moyens de rapprocher les mœurs des païens de celles des chrétiens, ne manque pas de lui suggérer la défense de lire les ouvrages d’Aristophane. Ludolphe Kuster a donné une édition magnifique des comédies d’Aristophane, en grec et en latin, avec de savantes notes, Amsterdam, 1710, in-fol. L’édition de Kuster a été réimprimée à Leyde en 1760, en 2 vol. in-4o, par les soins de Burmann, cum notis variorum ; mais cette réimpression, quoique bien exécutée, n’a rien diminué du mérite de l’édition originale. Les comédies d’Aristophane sont : le Plutus, les Oiseaux, toutes deux contre les dieux et les déesses ; les Nuées, contre Socrate, où la vanité et le genre de fanatisme propres à ce philosophe ne sont pas mal joués ; les Grenouilles, les Chevaliers, les Arcaniens, les Guêpes, la Paix, les Harangueuses, les Femmes au sénat, et Lysistrate. Nous avons une traduction française du Plutus et des Nuées, par madame Dacier, et des Oiseaux, par Boivin de Cadet. M. Poinsinet de Sivry a donné le théâtre d’Aristophane traduit en français partie en vers, partie en prose, Paris, 1784, vol. in-4o et in-8o. M. A.-C. Brottier, neveu de l’éditeur de Tacite, a traduit en prose tout le théâtre d’Aristophane. On trouve sa traduction dans les tomes 12 et 13 de la nouvelle édition du Théâtre des Grecs.

ARISTOPHANE, de Byzance, disciple d’Ératosthène, et célèbre grammairien, mérita la place de surintendant de la bibliothèque d’Alexandrie, que le roi Plolémée Évergète lui donna. Il mourut dans un âge fort avancé, vers l’an 220 avant J.-C.

ARISTOTE, surnommé le prince des philosophes, naquit à Stagire, ville de Macédoine, l’an 384 avant J.-C. Son père Nicomachus était médecin, et descendait, dit-on, d’Esculape. Aristote l’ayant perdu fort jeune, dissipa son bien, se livra à la débauche, prit le parti des armes, et le quitta ensuite pour la philosophie. L’oracle de Delphes lui ordonna d’aller à Athènes ; il s’y rendit, entra dans l’école de Platon, et en devint l’âme et la gloire. On dit qu’il fut obligé, pour vivre, d’exercer la pharmacie. Continuellement livré au travail, il mangeait peu, et dormait encore moins. Diogène Laërce rapporte, que, pour ne pas succomber à l’accablement du sommeil, il étendait hors du lit une main, dans laquelle il tenait une boule d’airain, afin que le bruit qu’elle ferait en tombant dans un bassin, le réveillât. Après la mort de Platon, Aristote se retira à Atarne, petite ville de la Mysie, auprès de son ami Hermias, usurpateur de ce pays. Ce prince ayant été mis à mort par ordre du roi de Perse, Aristote épousa sa sœur qui était restée sans biens. Quand Alexandre le Grand eut atteint environ 14 ans, Philippe son père appela Aristote pour le lui confier. La lettre qu’il lui écrivit à l’occasion de sa naissance, fait honneur au prince et au philosophe : « Je vous apprends, lui disait-il, que j’ai un fils. Je remercie les dieux, non pas tant de me l’avoir donné, que de me l’avoir donné du temps d’Aristote. J’espère que vous en ferez un successeur digne de moi et un roi digne de la Macédoine. » Les espérances de Philippe ne furent pas trompées. Le maître apprit à son disciple les sciences qu’il possédait, et cette sorte de philosophie qu’il ne communiquait à personne, comme dit Plutarque ; ce qui ne donne pas de cette philosophie une bien bonne idée ; car le vrai sage ne songe qu’à répandre ses lumières : on est allé jusqu’à croire que cette philosophie était celle de Machiavel. L’usage qu’en a fait Alexandre confirme cette idée. Philippe lui érigea des statues, et fit rétablir sa ville natale, ruinée par les guerres. Lorsque son élève se disposa à ses conquêtes, Aristote qui préférait le repos au tumulte des armes,