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HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. 25


missionnaires par les secours et les moyens qu’elle leur donnait, a réparé les ravages que les hérésies avaient faits dans les égliscs d’Europe ? N’est-ce pas Rome qui a formé de nouvelles chrétientés dans les trois parties du globe, chrétientés florissantcs et nombreuses, où l’on a vu revivre, avec la première vivacité de la foi, l’innocence des premières mœurs ? N’est-ce pas Rome, dont les missions pour me servir des paroles de M. de Buffon, ont formé plus d’hommes dans les nations barbares, que les armées victorieuses des princes qui les ont subjugées ? (Hist. nat., t. III, p. 506.) Paraissez, peuples ignorans, superstitieux, sanguinaires, anthropophages, répandus dans tant de plages et d’îles lointaines de l’un et de l’autre hémisphère, dites-nous à qui vous dcvez la lumière qui est venue vous éclairer au sein des ténèbres ? A quel métropolitain de la Germanie devez-vous la reconnaissance d’un si grand bienfait ? Hélas ! en voyant la stérilité dont Dieu a frappé ces grands sièges, au milieu de tant de moyens de soutenir et de propager la foi, dirait-on qu’ils font partie de cet arbre dont les branches et les fruits ont couvert le monde (1[1]).. ? Je ne dirai rien de tant de fondations et d’établissemens de tous les genres faits à Rome pour toutes les nations, dans le but de conserver pure la foi catholique. Mais si le dur égoïsme, la fausse et hypocrite tolérance, ne nous ont pas rendus insensibles sur le sort de nos frères ; si la véritable philanthropie, qui n’est autre chose que la charité chrétienne, sait encore apprécier le prix de la religion, le malheur du schisme, de l’hérésie, de l’ignorance, de la barbarie, ne jugera-t-on pas que c’est un crime de lèse-humanité que de soustraire au siège de Rome les ressources qui opèrent de si grands biens… ? Voyez l’état et la constante situation de la cour du pontife, voyez la marche uniforme et réglée des dépenses romaines. Oa n’y donne rien à la prodigalité, à la fantaisie, au luxe. Il n’y a là ni meule, ni haras, ni courses inutiles, ni chasses bruyantes, ni cette multitude de fastueux palais où se dévorent la substance des peuples et les biens de l’Eglise. Le Pape, dit le protestant Addisson, est ordinairement un homme de grand savoir et de grande vertu, parvenu à la maturité de l’âge et de l’expérience, qui a rarement ou vanité ou plaisir à satisfaire aux dépens de son peuple, et n’est embarrassé ni de femmes, ni d’enfants, ni de maîtresses. (Supp. au Voyage de Missoni, pag. 126.) Aussi les intérêts de la religion trouvent-ils toujours en lui un zélé défenseur qui ne refuse rien à une cause si chère. Dans ces temps de détresse et d’une persécution générale, que ne fait-il pas encore ! si l’on pèse ces considérations avec l’impartialité convenable, quel jugement portera-t-on sur ces déclamations contre les frêles secours qu’on porte dans la capitale du monde chrétien, pour mettre son pontife en état d’opérer de si grandes choses qui honorent la religion et consolent l’humanité ? N’y eût-il que l’intérêt que tout bon catholique prend naturellement à la splendeur de la capitale du christianisme, du siège de son pontife, de la mère féconde de toutes les églises, il ne songera jamais à mettre en comparaison avec elle, moins encore à lui préférer dans l’essor de sa libéralité, quelque ville de la Germanie, de la Russie, de la grande ou petite Tartarie. Ce qu’était Jérusalem pour les Juifs, Rome l’est pour les chrétiens. Jamais sa destinée ne sera indifférente aux enfans de la foi ; ils ne lui trouveront jamais trop d’éclat ni de prospérité ; et souhaitent, comme Tobie, qu’elle soit construite en pierres précieuses, que ses rues retentissent de chants d’allégresse (2[2]), et que tous les rois de la terre, suivant l’expression de saint Jean, dans son admirable prophétie touchant la cité sainte, y portent leur magnificence et leur splendeur (3[3]). Et j’ose dire que la haine de Rome n’est pas une marque équivoque d’apostasie. « O Eglise romaine ! o cité sainte ! s’écriait Fénélon ; ô chère et commune patrie de tous les chrétiens ! Il n’y a en J.-C. ni Grec, ni Scythe, ni Barbare, ni Juif. Tout fait un seul peuple dans votre sein ; tous sont concitoyens de Rome, et tout catholique est Romain. Mais d’où vient que tant d’enfans dénaturés méconnaissent aujourd’hui leur mère, s’élèvent contre elle, et la regardent comme une marâtre ! D’où vient que son autorité leur donne tant de vains ombrages ? »

  1. (1) Omnes isti congregati sunt, venerunt tibi, Isaïe, 49.
  2. (2) Et lapide pretioso omnis circoitus mororum ejus, et per vicos ejus alleluia cantabitur. Tob. 13.
  3. (3) reges terræ afferent gloriam suam et honorem in illam. Apoc. 21.

1. C