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24 CHRONOLOGIE.


ces élections. Justinien, et les autres empereurs après lui, exigeaient même une somme d’argent pour accorder cette ratification. Constantin Pogonat délivra l’Eglise de cette servitude, en 681. Louis le Débonnaire déclara, en 824, par une constitution solennelle, qu’il voulait que l’élection des papes fût libre : cette liberté reçut pourtant des atteintes pendant les désordres du 10e et du 11e siècle. Mais après que le schisme de Pierre de Léon et de Victor IV eut été éteint, tous les cardinaux réunis sous l’obéLssance d’Innocent II, et fortifiés des principaux membres du clergé de Rome, acquirent tant d’autorité, qu’après sa mort ils firent seuls l’élection du pape Célestin II, en 1143. Depuis ce temps-là ils se sont toujours maintenus dans la possession de ce droit ; le sénat, le peuple et le reste du clergé ayant enfin cessé de prendre part à l’élection, Honorius III, en 1216, ou selon d’autres, Grégoire X, en 1274, ordonna qu’elle se fit dans un conclave.

Le pape, revêtu de quatre titres, peut être considéré : 1° comme chef de l’Eglise ; 2° comme patriarche ; 3°*comme évêque de Rome ; 4" comme prince temporeL Sa suprématie lui donne le droit de veiller sur toutes les églises particulières. Ses droits de patriarche ne s’étendaient autrefois que sur les provinces suburbicaires, c’est-à-dire, sur une partie de l’Italie, la même qui, pour le civil, dépendait du préfet de Rome : on a voulu depuis les étendre sur tout l’Occident. Comme évêque de Rome, il exerce dans le diocèse de Rome les fonctions d’ordinaire qui ne lui appartiennent pas dans les autres diocèses. Enfin, comme prince temporel, il est souverain de Rome et des états qui lui sont acquis par donation ou par prescription.

Aucun trône sur la terre n’a peut-être été rempli avec plus de supériorité de génie que la chaire pontificale. Les papes sont presque toujours des vieillards respectables, blanchis dans la connaissance des hommes et des affaires. Leur conseil est composé de ministres qui leur ressemblent : ce sont ordinairement des cardinaux, animés du même esprit que les papes, et comme eux, sans passions. De ce conseil émanent des ordres qui embrassent l’univers. La foi est annoncée sous leurs auspices, depuis la Chine jusqu’à l’Amérique ; et il faut avouer que le zèle pour la foi et la propagation de l’Evangile n’existe dans aucun siège episcopal au même degré que dans celui de Rome. L’Eglise de Rome est aujourd’hui, comme elle a toujours été, non-seulement dans le droit, mais dans le fait, la mère et la reine de toutes les églises. « Rome chrétienne, dit un voyageur philosophe, ne doit rien à la politique : si elle a étendu sa puissance dans les régions enveloppées des plus épaisses ténèbres ; si elle a soumis à ses lois des peuples qui échappèrent aux armes, et ne reconnurent jamais l’empire des plus célèbres conquérans ; si des hordes sauvaiges, qui n’ont jamais prononcé les noms d’Alexandre et de César, ont écouté la voix de ses pontifes avec respect, et en ont reçu les instructions comme des oracles ; si, dévouée à la paix, Rome a fait des conquêtes que lui eût enviées Rome consacrée à la guerre, ces prodiges ne furent pas l’ouvrage des passions humaines : les passions humaines ne servirent qu’à les rendre plus éclatantes, puisqu’elles se liguèrent pour opposer de pluis grands obstacles à l’exécution de projets qu’elles avaient tant d’intérêt à traverser. » Disc. sur l’hist. le gouv. etc., par le comte d’Albon. Ce passage de l’auteur moderne a beaucoup de rapport avec un autre beaucoup plus ancien : Ut civitas sacerdotalis et regia, per sacram beati Pétri sedem caput orbis effecta latius proesideres religione divitia, quam dominatione terrena. Quamvis enim multis aucta victoriis jus imperii tui terra marique proiuleris minus tamen est quod tibi bellicus labor subdidit, quam quod pax christiana subjecit. Léo M. Serm. 1. in nat. apost. Pétri et Pauli.) Un auteur moins grave appliquait à Rome chrétienne ces vers de Virgile :

Super et Garamanlas et Indos
Proferet imperium : jacct extra sidéra tellus,
Extra anni solisque vias ; ubi coelifer Atlas
Axem humero torquet stellis ardentibus aptum.

Æneid., lib. 6

Pour nous en tenir à ce qu’elle a fait dans ces derniers temps, sans parler de ses anciennes et magnifiques conquêtes, n’est-ce pas Rome, Rome seule, qui, par ses