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HISTOIRE ECCLESIASTIQUE.

SUCCESSION CHRONOLOGIQUE DES PAPES.

depuis saint pierre jusqu’a nos jours.

Le nom de pape signifie père en grec. Il se donnait autrefois à tous les évêques ; mais depuis Grégoire VII, il a été particulier à l’évêque de Rome : ce pontife l’ordonna ainsi dans un concile. Ce n’est pas tant ce décret que l’usage qui a déterminé à ne donner en Occident le nom de pape qu’au seul pontife romain.

La grandeur temporelle du pontife romain date de très loin. Constantin donna la seule basilique de Latran plus de 1000 marcs d’or, et environ 30000 marcs d’argent, outre des rentes qui lui furent assignées. Les papes, charges de nourrir les pauvres et d’envoyer des missionnaires en Orient et en Occident, avaient obtenu sans peine des secours plus considérables. Ils possédaient, auprès de Rome, des revenus et des châteaux, qu’on appelait les Justices de Saint-Pierre. Les empereurs et les rois lombards leur avaient donné plusieurs terres. Divers citoyens avaient enrichi, par donation ou par testament, une Eglise dont les chefs avaient étendu la religion et adouci les mœurs des Barbares qui inondaient l’empire. Dans l’avilissement où Rome était tombée, les papes conçurent le dessein de la rendre indépendante, et des Lombards qui la menaçaient sans cesse, et des empereurs grecs qui la défendaient mal. Cette révolution, principale source de la grandeur temporelle des papes, fut commencée sous Pépin, père de Charlemagne, et consommée sous son fils ; mais il faut convenir que Constantin, en abandonnant l’ancienne capitale de l’empire, où le pape seul fixa dorénavant l’attention et les respects du public, parut dès lors consentir à ce que Rome devint le domaine des souverains pontifes, et c’est probablement ce qui a fait naître l’idée de la prétendue donation de Constantin.

Quoi qu’il en soit, il est constant que l’indépendance de Rome, et la souveraineté temporelle du pape sont, dans l’état actuel des choses, indispensables à l’unité et au bon gouvernement de l’Eglise. « Le pape, dit le président Hénault, n’est plus, comme dans les commencemens, le sujet de l’empereur ; depuis que l’Eglise s’est répandue dans l’univers, il a à répondre à tous ceux qui y commandent, et, par conséquent, aucun ne doit lui commander. La religion ne suffit pas pour imposer à tant de souverains ; et Dieu a justement permis que le père commun des fidèles entretint par son indépendance le respect qui lui est dû. Ainsi donc il est bon que le pape ait la propriété d’une puissance temporelle, en même temps qu’il a l’exercice de la spirituelle ; mais pourvu qu’il ne possède la première que chez lui, et qu’il n’exerce l’autre qu’avec les limites qui lui sont prescrites (1[1]). — L’union de toutes les églises occidentales sous un pontife souverain, dit un auteur protestant et philosophe, facilitait le commerce des nations, et tendait à faire de l’Europe une vaste république : la pompe et la splendeur du culte, qui appartenaient à un établissement si riche, contribuaient en quelque sorte à l’encouragement des beaux-arts et commençaient à répandre une élégance générale de goût en la conciliant avec la religion (2[2]). » Voltaire observe que les papes d’Avignon étaient trop dépendans des rois de France, et ne jouissaient pas de la liberté nécessaire au bon emploi de leur autorité. Les patriarches de Constantinople, jouet continuel des caprices des caprices des empereurs, tantôt ariens, tantôt iconoclastes, tantôt monothélites, etc., sont l’image de ce que seraient les papes, ou du moins de ce qu’ils auraient été durant plusieurs siècles, sans leur indépendance. Voyez l’article ETIENNE II.

L’élection des papes a été différente dans les différens siècles de l’Eglise. Le peuple et le clergé les élisaient d’abord. Les empereurs s’attribuaient le droit de confirmer

  1. (1) Abrégé chronologique de l’Histoire de France, remarques sur la deuxième race, édit. de 1768.
  2. Hume, Histoire de la maison de Tudor, tome XIII p. 9.