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10 NOTICE


l’institut des jésuites, qui unissait l’exercice des vertus religieuses à l’amour et à la culture des lettres. Il entra, vers la fin de septembre 1754, au noviciat de la société, à Tournai. C’est alors qu’il ajouta à son prénom celui de Xavier, saint auquel il eut toute sa vie une dévotion particulière ; mais Dieu le soumit à une rude épreuve. Pendant la première année de sa probation, il lui survint une telle faiblesse d’yeux, que souvent il en perdait presque totalement l’usage. Il savait que cette incommodité était un obstacle à son admission définitive. D’abord il essaya de cacher ce mal, que ne trahissait aucun indice extérieur ; mais il sentit qu’il serait difficile de le dérober longtemps à la connaissance de ses compagnons de noviciat, et de ses supérieurs. La crainte d’être exclu d’un état auquel il se croyait appelé le tourmentait. Dans cette perplexité cruelle il s’adressa avec ferveur au Dieu qui a dit : Demandez et vous recevrez. Il éprouva d’abord un peu de soulagement, et bientôt les symptômes qui l’inquiétaient disparurent. Sa vue s’affermit, et il la conserva si bonne toute sa vie que, même dans sa vieillesse, il put lire sans fatigue les caractères les plus fins (1[1]).

Lorsqu’il eut fini son temps d’épreuve, et qu’il eut été admis au nombre des membres de la société, il fut, suivant l’usage de l’institut, employé à l’enseignement. Il professa les humanités à Luxembourg et à Liège, puis la rhétorique et les belles-lettres. L’habitude des classes, un travail assidu, une mémoire des plus heureuses, avaient prodigieusement étendu ses connaissances. Il possédait parfaitement les auteurs anciens ; il savait par cœur Virgile, Horace, et plusieurs autres écrivains de l’antiquité, et il pouvait les expliquer de mémoire. Toutefois

  1. (1) Dans l’article FELLER de la Biographie universelle ce fait est raconté autrement. « Feller, y est-il dit, admis au noviciat, se livra à la lecture avec une ardeur qui faillit lui coûter la vue ; cependant les remèdes qu’on lui prescrivit, et le régime auquel il fut obligé de se soumettre, furent tellement efficaces, qu’il ne ressentit plus de maux d’yeux, etc. » Tout cela roule sur une fausse supposition. Il était de règle absolue chez les jésuites que pendant le noviciat on ne s’occupât que de sa vocation et d’exercices spirituels qui y avaient rapport. Toute étude quelconque était rigoureusement interdite ; il était par conséquent impossible qu’il y eût abus ou excès de lecture. On a donc préféré ici raconter le fait tel qu’il est exposé dans la notice de Liège ; non qu’on prétende qu’il y ait eu dans la guérison de Feller quelque chose de surnaturel ; mais la foi nous enseigne que nous pouvons nous adresser à Dieu pour des avantages temporels, et qu’il daigne écouter nos prières, surtout lorsque notre demande se rapporte à des biens spirituels, comme l’était dans cette circonstance, la vocation à l’état religieux.