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d’exercer la pharmacie. Continuellement livré au travail, il mangeait peu, et dormait encore moins. Diogène Laërce rapporte que, pour ne pas succomber à l’accablement. du sommeil, il étendait hors du lit une main, dans laquelle il tenait une boule d’airain, afin que le bruit qu’elle ferait en tombant dans un bassin le réveillât : mauvaise pratique, car l’homme qui ne dort pas, n’a pas l’esprit assez calme pour agir et écrire avec sagesse ; mais on ne risquera rien de croire que c’est un conte, semblable à d’autres anecdotes de ce genre, qu’on s’est plu à répandre sur le compte des hommes célèbres, comme si le ridicule et l’absurdité pouvaient être pour quelque chose dans les titres à la gloire. Du reste, il faut avouer que celle des philosophes s’est nourrie quelquefois de ces ignobles ressources. Après la mort de Platon, Aristote se retira à Atarne, petite ville de la Mysie, auprès de son ami Hermias, usurpateur de ce pays. Ce prince ayant été mis à mort par ordre du roi de Perse, Aristote épousa sa sœur qui était restée sans biens. Quand Alexandre-le-Grand eut atteint environ 14 ans, Philippe son père, appela Aristote pour le lui confier. La lettre qu’il lui écrivit à l’occasion de sa naissance, fait honneur au prince et au philosophe : « Je vous apprends, lui disait-il, » que j’ai un fils. Je remercie les » dieux, non pas tant de me l’avoir » donné, que de me l’avoir donné » du temps d’Aristote ; J’espère que » vous en ferez un successeur digne » de moi, et un roi digne de la Ma— » cédoine. » Les espérances de Philippe ne furent pas trompées. Le maître apprit à son disciple les sciences qu’il possédait, et cette sorte de philosophie qu’il ne communiquait


à personne, comme dit Plutarque ; ce qui ne donne pas de cette philosophie une bien bonne idée, car le vrai sage ne songe qu’à répandre ses lumières : on est allé jusqu’à croire. que cette philosophie était celle de Machiavel. L’usage qu’en a fait Alexandre confirme cette idée. Philippe lui érigea des statues, et fit rebâtir Sa Ville natale ruinée par les guerres. Lorsque son élève se disposa à ses conquêtes, Aristote, qui préférait le repos au tumulte des armes, retourna à Athènes. Il y fut reçu. avec les honneurs dus au précepteur d’Alexandre, et au premier philosophe de son temps. Les Athéniens, auxquels Philippe avait accordé beaucoup de grâces à sa considération, lui donnèrent le Lycée pour y ouvrir son école. Il donnait ordinairement ses leçons en se promenant, ce qui fit appeler sa secte, la secte des Péripatéticiens. Le succès de la philosophie d’Aristote ne fut pas ignoré d’Alexandre. Ce prince lui écrivit de s’appliquer à l’histoire des animaux, lui envoya 800 talens pour la dépense que cette étude exigeait, et lui donna un grand nombre de chasseurs et de pêcheurs, pour faire des recherches. Aristote, au comble de sa gloire, ne fut pas au-dessus des passions et des folies qui en sont l’effet naturel. Son amour pour la courtisane Pythaïs devint une espèce de fureur, qui le porta à l’ériger en divinité, et à lui rendre après sa mort le même culte que les Athéniens rendaient à Cérès. Eurymédon, prêtre de cette déesse, l’accusa de ne pas y croire : Aristote se retira à Chalcis, dans l’île d’Eubée (aujourd’hui Négrepont), pour empêcher qu’on ne commît une injustice contre la philosophie ; mais il aurait eu plus de bonne philosophie à ne pas diviniser