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NOTICE.

que cette incommodité était un obstacle à son admission définitive. D’abord il essaya de cacher ce mal, que ne trahissait aucun indice extérieur ; mais il sentit qu’il serait difficile de le dérober longtemps à la connaissance de ses compagnons de noviciat, et de ses supérieurs. La crainte d’être exclu d’un état auquel il se croyait appelé le tourmentait. Dans cette perplexité cruelle il s’adressa avec ferYcur au Dieu qui a dit : Demandez et vous recevrez. 11 éprouva d’abord un peu de soulao^ement, et bientôt les symptômes qui l’inquiétaient disparurent. Sa vue s’affermit, et il la conserva si bonne toute sa vie que, même dans sa vieillesse, il put lire sans fatigue les caractères les plus fins (1).

Lorsqu’il eut fini son temps d’épreuve, et qu’il eut été admis au nombre des membres de la société, il fut, suivant l’usage de l’institut, employé à l’enseignement. Il professa les humanités à Luxembourg et à Liège, puis la rhétorique et les belles-lettres. L’habitude des classes, un travail assidu, une mémoire des plus heureuses, avaient prodigieusement étendu ses connaissances. Il possédait parfaitement les auteurs anciens ; il savait par cœur Virgile, Horace, et plusieurs autres écrivains de l’antiquité ; il pouvait les exphquer de mémoire. Toutefois le soin donné aux ouvrages profanes n’avait pas ralenti ses études religieuses : l’Ecriture sainte et l’Imitation de Jésus-Christ n’étaient pas moins présentes à sa mémoire que les auteurs classiques, et l’on assure qu’il suffisait de lui indiquer un chapitre de la Bible ou d’A-Kempis, pour qu’aussitôt il le récitât tout entier. Ses leçons formèrent d’excellents élèves, dont les prémices littéraires, recueillies dans les Musœ Leodienses. faisaient concevoir les espérances les plus flatteuses, et attestaient l’habileté du maître.

Après avoir fourni sa carrière dans l’enseignement, le P. de Feller fut envoyé à Luxembourg, pour y apprendre la théologie. Il s’était, de longue main, préparé à cette étude nouvelle. Pendant qu’il enseignait la rhétorique, il avait lu les principaux ouvrages des Pères ; et il avait parcouru à plusieurs reprises la théologie dogmatique du P. Petau. Cette science ne lui offrit que peu de difficultés ; il trouva du temps pour une autre tâche qui lui fut imposée. On le chargea de prêcher en latin le carême devant un auditoire nombreux, composé de jeunes gens qui étudiaient à Luxembourg la théologie, la philosophie et la rhétorique. On fut (1) Dans Varticle FELLER de la Biographie universelle, ce fait est raconte autrement. « Feller, y est-il dit, admis au noviciat, se livra à la lecture avec une ardeur qui faillit lui coûter la vue ; cependant les remèdes qu’on lui prescrivit, et le régime auquel il fut obligé de se soumettre, furent tellement efficaces, qu’il ne ressentit plus de maux d’yeux, etc. » Tout cela roule sur une fausse supposition. Il était de règle absolue chez les jésuites que pendant le noviciat on ne s’occupât que de sa vocation et d’exercices spirituels qui y avaient rapport. Toute étude quelconque était rigoureusement interdite ; il était par conséquent impossible qu’il y eût abus ou excès de lecture. On a donc préféré ici raconter le fait tel qu’il est exposé dans la notice de Liège ; non qu’on prétende qu’il y ait eu dans la guérison de Feller quelque chose de surnaturel ; mais la foi nous enseigne que nous pouvons nous adresser à Dieu pour des avantages temporels, et qu’il daigne écouler n-is prières, surtout lorsque notre demande se rapporte ù des biens spirituels, comme l’était, dans cette circonstance, la vocation à l’état religieux.