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À Travers l’Inde en Automobile

Les basses castes ont véritablement un degré d’humanité inférieure à celui de la race Indo-Européenne dont la caste est la glorification.

Chaque caste est une société exclusive, fermée, elle satisfait à toutes les nécessités morales de ses membres et agit dans le territoire entier de l’Inde. La religion, les usages, les occupations de la caste appartiennent à tous ses membres, où qu’ils se trouvent et malgré les inégalités matérielles, qui peuvent exister entre eux, au point de vue des autres castes ils jouissent de la même considération ou supportent les mêmes dédains.

Un Brahme qui mendie ne s’assoient pas plus à la table d’un « dhombs »[1] enrichi, qu’il ne permettra à un de ses coreligionnaires pauvre de même caste d’effleurer son bol d’aumône. L’Indou est toujours, avant tout, l’homme de la caste dont il est sorti. Il reste éternellement aryen ou aborigène, quelles que soient ses possessions ou sa misère. Cette première distinction se maintient à jamais dans la société indoue ; elle n’empêche pas les castes inférieures d’améliorer leur sort par le travail, la spéculation ; il y a des Sudras qui amassent des fortunes considérables, occupent des fonctions honorables ; quelques-uns, comme les ancêtres du Maharadja de Kooch Behar, se taillent des principautés, mais l’opinion publique ne leur connaît pas d’autre rang que celui de leur caste. Par contre, un Radjput qui laboure est l’égal des Maharadjas les plus puissants, il peut épouser leurs filles, que ces princes refuseraient à des souverains comme le Gaikwar de Baroda, ou le chef de Gwalior appartenant à des castes de vachers et de bergers.

La physionomie, le costume, les atours des femmes révèlent la caste. Il est du reste très poli de questionner un individu sur ses ascendants, son clan, ses occupations héréditaires. Pendant les moments interminables que nous passons à voir défiler les rives solitaires, dont les herbes grasses ondulent au vent, c’est ma distraction favorite.

Nous faisons escale deux ou trois fois dans la journée, pour permettre aux passagers d’aller acheter leurs vivres.

Toutes les ressources des villages sont exposées sur la berge, des femmes apportent des paniers de mangues, jaunes, vertes, rougeâtres, énormes comme des courges, des mangues de Malwa et des mangues de Behar ; c’est un régal pour les connaisseurs ; à côté, l’on vend des pigeons, des poulets étiques, des caramels, de la farine de mais, des nasses de gougeons, des « jak fruit » :

  1. Fossoyeur, la plus méprisée de toutes les castes.