du lait. Ailleurs, des musulmans sont en prière, tournés vers le soleil qui tombe comme une flambée d’or violet dans le divin « Pudda », sillonné de barques aux voiles cerise que les pêcheurs ramènent au ghatt. Un Brahme, paré de son cordon sacerdotal, se promène seul, dédaigneux de cette humanité immonde, issue des pieds de Brahma. La cloche d’un temple caché dans un massif solitaire se fait entendre, les tam-tams résonnent, une odeur de jasmin et d’encens monte dans la nuit tombante, des feux de Bengale illuminent le rivage : c’est l’heure de la prière. Les Indous fervents quittent leur travail, leur repas, ils s’approchent du fleuve et lentement ils y entrent jusqu’à mi-corps, invoquant par des ablutions répétées l’esprit des eaux.
Il fait nuit noire lorsque, au coup de sifflet du capitaine, le Wren file doucement, fendant le courant de sa proue blanche.
Les trois seules cabines du bateau et la partie devant sont réservées aux passagers de première classe ; à l’arrière, les voyageurs indigènes s’empilent comme ils peuvent, couchent et cuisinent sur le pont. Les bancs disposés en carré séparent les différentes castes.
On serait tenté de croire que cet incessant établissement de démarcations entre les castes inférieures et les castes élevées doit fomenter chez les premières des haines féroces contre leurs concitoyens plus privilégiés et exciter des convoitises furieuses. Il n’en est rien.
La caste a été établie primitivement pour conserver aux conquérants aryens l’intégrité du sang en les empêchant de s’unir aux populations aborigènes des Sontals, des Bhils, des Mairs et les clans, les familles, chez lesquels l’ascendance s’est conservée uniquement aryenne forment les castes supérieures. Au contraire, la prédominance dans une race du sang des habitants primitifs de l’Inde, en plus ou moins grande quantité, a fait naître les castes inférieures de rang moyen ou bas.
D’autre part, les Aryens, s’établissant aux Indes, forcèrent une grande quantité de vaincus à adopter leurs croyances, ils devinrent Indous de religion, non de race et formèrent une partie séparée et méprisée de la nation.
La supériorité physiologique des aryens est donc celle qui s’est imposée aux « Sudras[1] », et elle ne leur cause pas plus d’envie que l’européen n’en fait éprouver aux Nègres ou aux Chinois.
- ↑ Terme par lequel on désigne toutes les basses castes.