Page:Faydit de Terssac - À travers l’Inde en automobile.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
En Bengale

vent léger, ils attendent patiemment, appuyés sur leurs perches de bambou.

Le soleil indiscret nous poursuit de ses chauds rayons, nous finissons par nous étendre sous les ailes de l’auto pour lui échapper.

Les rives plates, solitaires, défilent devant nos yeux aveuglés de lumière ; pas un bruissement, pas un cri d’oiseau ne rompent le silence de cette campagne monotonement verte et fertile. Des tourterelles aquatiques se perchent dans la mâture, puis elles s’envolent, effleurant l’eau du bout de leur bec de corail.

Aux endroits où le sable agrippe la quille, les bateliers se mettent à l’eau et nous remorquent, en se relayant jusqu’à ce que la barque soit renflouée.

Le trajet est long, ennuyeux ; bientôt, nous entrons dans une plaine d’eau immense, grisâtre, calme et unie : c’est le Gange, « le divin Pudda ». L’on distingue à peine, le long des bords couverts de jungle, les coques de noix fragiles et rapides dont se servent les indigènes pour la pêche, les voiles paraissent à l’horizon, coquettes et blanches comme un vol de mouettes. Le vent nous pousse, les matelots jettent leurs rames inutiles au fond du bateau et font un bout de toilette avant l’arrivée. L’un d’eux laissait tremper ses pieds dans l’eau, il les retire si brusquement qu’il fait quasiment chavirer notre esquif. Ses yeux, convulsés de frayeur, semblent rivés sur la tête hideuse et la mâchoire menaçante d’un crocodile énorme qui baille à fleur d’eau.