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À Travers l’Inde en Automobile

Ma petite amie, elle, demeure fidèlement à mes côtés jusqu’au moment où la princesse mère me prie, en excellent anglais, d’accepter un coussin d’honneur auprès d’elle et de lui raconter notre voyage. Ma surprise est extrême ; je me demande comment elle a pu apprendre cette langue étrangère ?

Sans se faire prier, elle me dit qu’une doctoresse anglaise vient la soigner tous les jours et qu’elle s’habitue par la même occasion à converser avec des Européens.

Il y a chez elle une avidité surprenante de savoir, d’apprendre, une vivacité d’intelligence qui vient aux Musulmanes après la jeunesse. Les premières années de leur vie, esclaves de l’amour, uniquement occupées à se débarrasser de leurs rivales ou à les supplanter, toutes les facultés de leur âme sont concentrées dans le désir de se maintenir en faveur le plus longtemps possible.

L’Oriental n’étant accessible qu’à la seule séduction physique, une fois l’heure de la passion passée, les femmes ne conservent plus aucune influence, aussi le soin de leur beauté, le perfectionnement de cette arme unique sans laquelle leur existence devient atrocement monotone, occupe exclusivement leurs longues heures de réclusion.

Lorsque leurs enfants ont atteint l’âge d’homme, le rang qu’ils occupent les élève ; elles ne sont plus simplement un caprice oublié ; la dignité de leur maternité s’affirme, un champ s’ouvre à leur influence, elles ont en main un instrument soumis et une ambition dévorante les aiguillonne.

L’intrigue politique remplace les intrigues du « harem » ; ces femmes qui étaient courbées sous le joug despotique de l’époux, deviennent les égales du père de leurs fils en défendant ou en consolidant la situation sociale de leurs enfants communs.

L’on a vu parmi elles des princesses, tutrices de futurs souverains, faire preuve d’une habileté diplomatique, d’une profondeur de vues auxquelles le gouvernement britannique s’est plu à rendre hommage, et tel Nabab, dont la ligne de conduite vis-à-vis de la puissance souveraine, étonne, à la fois par sa hardiesse et sa prudence, est dirigée par sa mère ou ses tantes.

Le Nabab de Moorshidabab n’étant point un prince régnant, sa femme n’a pu donner jusqu’à présent la mesure de ses capacités politiques, mais elle a su imposer à son entourage la crainte de sa personnalité. Elle ne subit plus la loi, elle l’impose. Ayant appris que ses belles-filles avaient passé quelques heures avec moi, elle voulut aussi me voir, m’entendre et elle s’est fait transporter