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En Bengale

son rigoureux « purdah » pour recevoir une Européenne. Huit femmes, trébuchant sous la charge, le portent dans sa chaise de malade et le déposent au milieu de l’appartement. Son corps frêle, à demi paralysé, flotte dans une sorte de tunique d’or ; autour de ses jambes infirmes s’enroulent des étoffes de laine rouge. C’est le type parfait du Musulman Bengali ; petit, nerveux, la face anguleuse, éclairée de deux yeux noirs dont une barbe roussie au henné, souligne l’expression dédaigneuse et maligne. Il mâche du bétel sans adresser la parole aux femmes. Après dix minutes, d’un coup de sirène, il rappelle ses porteurs et s’éloigne, arrogant, parmi les salutations respectueusement muettes. On me rend ma liberté avec mille excuses que vient me faire accepter Boughat. Le Nabab fait, paraît-il, une tournée hebdomadaire dans le zénana pour visiter à tour de rôle toutes ses filles, ses brus, ses tantes et ses sœurs, mais on ne l’attendait pas ce jour-là, La gaieté rieuse des suivantes s’est envolée, la Princesse redouble de timidité, quelque chose de la contrainte du matin reparaît dans les gestes craintifs, les chuchotements incessants. Je songe à quitter le Palais pour retourner au « guest-house » et je veux me dévêtir de mes parures indiennes ; mais la petite Princesse s’y refuse obstinément ; elle insiste avec colère, elle frappe du pied : il faut, dit-elle, garder ce que le cœur a offert ; doucement, ses lèvres humides se posent sur ma main…

Par delà les murs blancs, longtemps encore, m’arrive son frais « salam », flottant dans le parfum des myrtes et des jasmins.