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À Travers l’Inde en Automobile


MOORSHIDABAD, 14 MAI.


Quelques centaines de huttes en terre glaise, alignées le long de routes poussiéreuses, des maisons de bois plâtrées en couleur verte et jaune, des mosquées de pierre, un temple jaïn qui domine les environs, c’est tout ce qui reste de la ville riche et guerrière fondée par Moorshid, ce soldat de fortune dont les restes pieusement conservés dans la crypte d’une mosquée abandonnée, opèrent des miracles et raniment encore les courages.

Au croisement des routes de Barhampore et de Begawanghola, les éléphants du Nabab se trémoussent lourdement, les pieds entravés, attachés à des piliers de fer disséminés dans un espace inculte, clos de haies. Non loin de ce « kraal » apparaissent les dômes blancs et rebondis d’un sanctuaire dédié à Allah, qui marquent l’entrée du territoire, bien réduit, concédé par l’Angleterre aux fils de ces puissants Nizam dont le joug s’appesantit durant des siècles sur la province du Bengale.

La jungle voisine fournit à la population assez dense de la cité une vie facile.

Parmi les fourrés d’ifs, de bambous, on chasse le chacal, l’iguane, un mets recherché ; les mangues à profusion jonchent le sol, les palmes de cocotier servent de toiture et de murailles, les noix, de boissons et d’offrandes aux dieux ; avec les feuilles de palmiers rognées, les femmes confectionnent des éventails bariolés de divinités indigo, de papillons d’or qui se vendent quelques « pices » dans les bazars.

La misère se porte allègrement à Moorshidabad.

Des écuries imposantes où s’abritaient trois cents chevaux, des corps de garde silencieux, des dépendances innombrables et mutilées, témoignent encore, par leur splendeur amoindrie, de la royale magnificence dont s’entouraient ces Nizam, gouverneurs de province, sujets rebelles et rivaux redoutables de l’Empire de Delhi.

Des cipayes envoyés par le Nabab à notre rencontre galopent en éclaireurs devant la machine, frappant à plat de sabre pour disperser la foule qui n’a jamais vu d’automobile et se précipite imprudemment sous les roues. Une longue muraille crénelée