En regardant s’avancer dans le lointain la barge offerte par M. S… pour transborder l’auto, nous éprouvons la satisfaction d’avoir vaincu une difficulté ; c’est une jouissance passionnante, car à la joie du succès, se mêle l’admiration pour l’intelligence humaine qui a dompté la force matérielle.
La chance, il est vrai, entre pour une grande part dans notre triomphe ; si nous
étions passés à Nizpagatha quelques mois plus tôt ou plus tard,
nous n’y aurions trouvé ni ingénieur, ni pont de chemin de
fer en construction et il nous eut fallu faire de prodigieux efforts
d’imagination pour trouver le moyen de traverser une rivière
avec une automobile. M. S… croit que cette dernière aventure
pourrait n’être que partie remise ; des dépêches reçues à son poste
de télégraphie sans fil lui annoncent la crue à la suite d’orages
de tous les ruisseaux de la région. Cela ne nous empêche pas,
après l’avoir remercié du secours qu’il nous a obligeamment
prêté, de mettre à nouveau le cap sur Moorshidabad. L’herbe a
pris possession de la route, elle croît jusque dans les ornières, peu
fréquentées du reste, si l’on en juge par la ligne de gazon que
foulent les roues de Philippe.