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À Travers l’Inde en Automobile

accompagne, et une escouade de police qu’il met à nos ordres réussit, avec l’aide des spectateurs, à amener Philippe au bord de l’eau et à l’embarquer sur le fragile esquif, Les bateliers s’emparent de longues perches et nous nous éloignons petit à petit de Krisnagar ; la population nous salue au départ d’acclamations prolongées, des enfants nous suivent à la nage, ils s’accrochent au « ferret » d’une main, mais sans pitié, les policemen, groupés autour de la machine, les frappent sur la tête de leurs bâtons de bambou et leur font lâcher prise.

Nous glissons assez rapidement, malgré les bancs de sable sur lesquels le radeau s’échoue parfois et la lenteur des bateliers à la remettre à flot. Le soleil est déjà haut et brûlant, lorsque, après l’habile traversée d’un bras de terrain vaseux, M. R… nous désigne du geste une vaste ornière argileuse, interrompue par des mares de poussière, des trous, des bosses schisteuses. C’est la grand’route. L’étape s’annonce dure. Nous faisons nos adieux à M. R…, et il nous conseille de quitter la voie officielle, pour suivre un chemin qui dessert le tracé de la ligne en construction (Calcutta-Moorshidabad). Pour le rejoindre, il faut traverser des champs labourés fraîchement ; c’est une entreprise téméraire et éreintante, il a plu abondamment la veille, la terre en grosses mottes colle aux pneus, et sans l’effort soutenu des « policeman » qui nous escortent jusqu’à la fin du district, nous ne parviendrions pas à dégager Philippe de cette gluante étreinte.

Le nouveau chemin que nous avons pris est très étroit, tout aussi mauvais que la route, encombré de pierres, dont on a débarrassé le talus de la ligne ferrée que nous côtoyons. Les coolies travaillent à cette dernière, ils portent des hottes de terre, des chargements de traverses en bois et en fer : ils nous aident souvent à sortir des endroits difficiles. La contre-allée du chemin de fer se rétrécit de plus en plus, puis elle finit dans une plaine de chaume récemment moissonnée.

Cette surprise désagréable est compensée par la vue lointaine d’un mince filet de fumée qui s’élève au-dessus d’un groupement d’arbres et nous fait présager des habitations. Nous coupons bravement à travers champs pour y arriver ; mais nous n’allons pas loin ; le sol cède sous les roues de la machine, et, malgré le ronflement désespéré du moteur, nous nous enlisons jusqu’au moyeu. Nos policemen nous ont quittés depuis quelques milles, il faut donc que nous nous aidions nous-mêmes. Le chauffeur retourne vers la voie du chemin de fer et en ramène trois paires de buffles et de vaches que leurs maîtres consentent à attacher à l’auto, inutile effort ! le terrain, instable, oscille sous les pieds des bêtes, la peur les saisit, elles rompent les cordes qui les attachent à la