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À Travers l’Inde en Automobile

dans le sourire de « mà » (la lune) ; compter les grains d’un épi d’avoine.

Nous essayons d’écouter, de surprendre un bruit, une manifestation d’humanité ; enfin, il nous semble distinguer, parmi le glapissement des chacals et l’assourdissante crécelle des cricris, un aboiement de chien, très éloigné, très affaibli par la distance. Une fois, deux fois : il n’y a pas de doute : quelque part, derrière ces rizières vertes, une hutte est endormie sous la garde d’un « chien paria », animaux efflanqués, compagnons constants des basses castes.

Abandonnant Philippe sur la route, nous nous en allons à la file indienne à travers les carrés bourbeux de riz, dans la direction de l’aboiement qui s’est tu.

Brusquement, l’étroit sentier battu par les pieds nus comme une aire à blé tombe dans un chemin plus large, encaissé entre deux talus hérissés de cactus et d’aloès. Une haie de henné court sur la crête, protégeant une clôture très proprette en feuilles de cocotiers tressées.

Nous escaladons le talus, non sans nous meurtrir aux piquants des plantes grasses, et, après un long détour, suivant toujours la haie, nous forçons, en enlevant un bambou posé sur deux fourches, l’entrée d’une cour en terre glaise où de grandes meules de paille de riz s’élèvent, à côté de huttes chétives, comme des montagnes de safran pâle.

D’une cabane sort un léger vagissement d’enfant qu’une femme cherche en vain à endormir ; le bruit de ses bracelets remués, les mots tendres qu’elle lui dit nous parviennent distinctement à travers la mince cloison de chaume. Nous frappons doucement à un des piliers de boue durcie qui soutient le toit en palmes sèches, pour ne pas effrayer les paisibles habitants qui n’ont sans doute vu que peu d’Européens et dont nous ignorons la langue.

Une forme roulée dans une mousseline blanche, soupire, se lève et vient à nous. C’est un homme qui se touche le front des deux mains dans un respectueux Salam. Nous tentons d’assortir quelques mots pour en faire une phrase intelligible.

En vain, nous ne savons plus que Katcha, ce mot vague qui s’emploie pour désigner d’une façon générale tous les manques, toutes les insuffisances, tous les vices, toutes les tristesses.

(Katcha), (Katcha), l’un de nous flagellant sa mémoire retrouve « Gharri » (voiture), « Gharri Katcha ».

Le pauvre homme, très effaré, ne comprend pas grand chose