Nous avons quitté cette après-midi Barrakpore et nos amis les Eurésiens ; nous allons par la route rouge, soulevant des tourbillons de poussière d’ocre, traversant des villages de briques démantelées, qu’habite seul le souvenir des premiers marchands français et hollandais dont les bungalows en ruines croulantes disparaissent sous les lianes fleuries de la jungle et la vase envahissante de l’Hoogly, La rivière elle-même est une souveraine déchue que les courtisans de la fortune ont abandonnée pour se rapprocher d’un pouvoir plus moderne : le chemin de fer.
Nous passons devant des usines de jute dont la fumée épaisse parsème l’horizon de nuages noirs et charbonneux ; de misérables huttes s’allongent en enfilades indéterminables, constituant une rue unique dont les habitants peinent, non plus comme leurs ancêtres dans la lumière féconde du soleil, mais à la lueur sanglante des fournaises, parmi les engrenages impitoyables, les bras de fer, qui ont enlacé d’une étreinte irrésistible l’ouvrier