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Chez le Nizam

contours irréguliers et gracieux, s’allonge entre Secunderabad et la capitale du Nizam ; la ville dominée par les minarets jumeaux du « char Minar » : Hyderabad. Le soir, des esquifs légers voguent sur les eaux bleutées ; un Yacht Club a été organisé par les officiers de la garnison, et durant les courts instants qui précèdent la nuit, ces promenades en bateau apportent aux Européens la seule fraîcheur qu’on puisse goûter en cette saison. Le souverain d’Hyderabad est à la chasse au tigre depuis plusieurs semaines, et le secrétaire du premier ministre, un parsi, ne sait si nous pourrons aller au camp sans grandes fatigues. Nous serions très désireux de voir ce Nizam « l’ombre d’Allah », le prince feudataire le plus puissant de l’Inde, celui qui occupe le premier rang dans l’ordre de préséance établie par le gouvernement britannique. Son État, d’une superficie comparable à celle de la France, lui fournit annuellement 80 millions, et lui permet presque de traiter avec l’Angleterre sur un pied d’égalité.

Il jouit de certaines prérogatives refusées aux autres Nababs ou Rajahs : il a des troupes, des douanes, de la monnaie, des timbres frappés à son effigie en caractères Indoustanis ; il est maître chez lui et use de sa relative indépendance pour conserver le plus possible à ses sujets les usages de leur race, et le profit qu’ils peuvent retirer des coutumes indigènes.

Contrairement à l’usage oriental, le Nizam n’est point marié officiellement, pas une des trois cents femmes de son harem ne porte le titre de Begum ou princesse régnante, ce qui permet au souverain de désigner l’héritier du trône parmi ses enfants sans avoir égard à la priorité de naissance ou à une ascendance maternelle plus élevée.

Il n’y a pas dans l’univers une femme qui soit l’égale absolue du Nizam « la main du Prophète », pour cette raison, disent les Hyderabis, il n’en saurait considérer aucune comme partageant sa royauté. Musulman autocrate et farouche, le prince d’Hyderabad maintient dans son harem les coutumes d’emmuration les plus strictes. Ses femmes, dont parfois il ignore les noms et le nombre, ne sortent jamais des divers palais qui leur sont assignés, et si quelqu’une, à la faveur d’un déguisement prêté par une esclave complaisante, se glisse au dehors et se laisse surprendre ainsi, le lac a vite englouti son cadavre. Aucune Européenne n’a été autorisée à visiter le harem du Nizam. Le Parsi m’avertit qu’il serait inutile d’insister, sur ce point, son maître se montre intraitable. Cet extraordinaire Nabab réside dans la cité même d’Hyderabad, il habite un vieux palais sombre et vilainement construit, mange par terre dans de la vaisselle d’or et ne s’éclaire qu’avec de l’huile de cocotier. Il s’efforce, dans toutes les