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À Travers l’Inde en Automobile

des affaires publiques, il est rare qu’il soit en état de recevoir des étrangers et nous n’étions pas destinés à être, de ce côté là, plus favorisés que d’autres.

Il a chargé son premier ministre, son dewan, de nous faire visiter en son lieu et place, la cité historique de Junaghad.

Le palais se trouve au centre du bazar ; une grande cour spacieuse s’étend devant les bâtiments insignifiants en stuc blanc et jaune ; des éléphants entravés et un peloton de cipayes à cheval s’y tiennent prêts à exécuter promptement les ordres du souverain. Le gouvernement de ces princes indigènes est tout paternel et la pompe étonnante qui rehausse leur prestige, ne nuit jamais à leur popularité, parce qu’elle ne blesse pas le peuple par une étiquette contrariant ses goûts, ou entravant ses habitudes.

La cour d’honneur du palais est une place publique, les uns la traversent pour raccourcir leur route, d’autres puisent de l’eau à ses fontaines, les gamins y jouent aux barres, des vieillards cherchent l’ombre des vérandas, des curieux, des oisifs, discutent du temps, des moissons, appuyés aux royales murailles ; tous sont chez eux et partagent avec le Nabab un des biens qu’Allah lui a départi.

La population, presque uniquement mercantile est généralement musulmane, mêlée d’Arabes venus du Sind. La dynastie des Babi qui règne actuellement à Junaghad, doit son origine à un gouverneur de la province de Shaurastra, placé dans cette ville par les sultans d’Ahmedabad, Après leur victoire sur les Indous, à la suite des troubles inhérents à l’invasion Maratte et à la chute des Moghols, les « Fouidjar » de Junaghad se déclarèrent indépendants, et l’Angleterre ayant reconnu leurs prétentions, ils continuent à posséder légitimement l’état usurpé sur les antiques races du Gugerat dont le fort, appelé Uparkot, évoque mieux le souvenir que la cité neuve et moderne.

À l’entrée de la citadelle démantelée, des pieds de femme sculptés dans le sol de granit font surgir du lointain des siècles, la figure gracieuse et funeste de Ranik Devi, la princesse merveilleuse, dont les pas laissaient des empreintes couleur de rose et qui trébucha en arrivant à Junaghad, au seuil de ce fort, sa future demeure.

Les Bardes considérèrent cet incident comme un fatal augure. La suite leur donna raison, car le roi Kengar étant devenu jaloux de ses neveux les exila ; ils allèrent offrir leurs services à un ennemi du Raja de Junaghad, puis déguisés en maquignons, ils prirent l’Uparkot par surprise, tuèrent leur