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Les Frontières de l’Afghanistan

Ils s’approchent, du colonel D…, portent la main au front et présentent dans un mouchoir, les plus modestes dans du papier, une roupie, que le « Chief commissionner » touche du bout des doigts : c’est la reconnaissance du tribut financier. Les officiers indous et musulmans des corps Siks, Dogras, appelés par leurs supérieurs anglais respectifs, tendent leur sabre : c’est le tribut militaire, le gage de leur loyauté.

Les uns empressés, obséquieux, saluent très bas, d’autres sont intimidés, les plus nombreux, méprisants, indifférents ; tous marchent superbement.

Parmi les Khans, il y a des vieillards aux yeux faux, à la longue barbe rousse de henné ; ils sont vêtus pauvrement et ne portent comme ornement qu’un couteau passé dans la ceinture. Des jeunes gens, plus modernes, arborent des bottines vernies, des vestes européennes et de longues redingotes de cuir fauve, fourrées de chèvre grise et soutachées de dessins en argent ou en soie.

Pendant le « speech » du colonel qui les traite rudement d’assassins, de filous, de sauvages, quelques-uns ricanent ; j’observe un vieux chef Sakahil, petit, maigre, ratatiné dans un fauteuil, dont les yeux, moitié clos, lancent des éclairs. Lorsque la voix froide du représentant britannique énumère les réformes qu’il faudra faire et les châtiments que le gouvernement infligera aux récalcitrants, il sourit. Le mépris de la mort donne à ces races, une supériorité incontestable sur les chrétiens, dont la « haine, dit le proverbe Patham, a, dans leur cœur, plus de racines qu’un manguier. »