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Les Frontières de l’Afghanistan

nous les retrouvons entourés de femmes, d’enfants rieurs qui nous apportent de l’eau limpide dans des vases de terre poreuse et légère. En approchant de Landikota, nous passons sous des blocs carrés de terre jaune, perdus dans les nuages : des fortins, d’où la garnison indigène surveille les alentours. Dans ce décor grandiose, de bien douloureuses tragédies se jouent parfois et les pierres y sont encore humides du sang de cet infortuné Fletcher, le directeur des arsenaux de Kaboul. Il rentrait en Allemagne après sept ans de service chez l’Émir, comblé de présents et de libéralités de toutes sortes. Une nuit retentit un coup de feu lointain dans la plaine Afghane. Le lendemain, des chameliers apportèrent à Landikota un cadavre encore chaud ; celui de Fletcher, assassiné par le chef de son escorte. Les morts seuls ne révèlent pas de secrets, et l’Émir, tout penaud, contristé en apparence, s’est débarrassé ainsi de l’unique Européen qui connût les défenses de son État.

Son corps repose dans le cimetière anglais de Peshawer ; sur sa tombe à peine fermée, au printemps prochain, s’épanouira la mauve parure des violettes, qu’un Afridi taciturne viendra peut-être arracher furtivement, au clair de lune, pour insulter encore une fois à sa victime.