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À Travers l’Inde en Automobile


NOSHERA, 27 OCTOBRE.


Décidément, chaque étape dans ce pays amène une surprise, cimente une amitié nouvelle et entr’ouvre des horizons insoupçonnés. Ici. des amis, le colonel T… et sa femme, ont tenu à nous offrir une hospitalité charmante dans cette ville de garnison des frontières Afghanes où l’on est réveillé au matin par les fanfares de régiments écossais.

L’exiguïté du « bungalow » n’entrave pas un aménagement coquet et frais, où la cretonne, les tapis blancs du Cachemire, les bibelots d’argent, sont distribués avec ce souci perpétuel qu’éprouvent les femmes anglo-indiennes de faire de ces logis d’exil des habitations aussi semblables que possible, au home, dont l’évocation émeut délicieusement cette race, la plus familiale du monde. C’est, du reste, la vraie caractéristique de sa nation que la facilité avec laquelle l’Anglais crée autour de lui une ambiance de confort, de luxe, dans l’endroit le plus déshérité du globe. En un coin de territoire perdu, comme Noshera, ce génie de peuple éclate mieux que dans les grandes villes où les « babous » riches, les financiers et les fonctionnaires indigènes sont souvent les premiers à provoquer un mouvement de vie commerciale européenne pour profiter eux-mêmes dans une très large mesure des raffinements de la civilisation occidentale.

Dans une garnison, au contraire, tout se meut par l’initiative anglaise pour l’Anglais, pour satisfaire non seulement ses nécessités d’existence quotidienne, mais encore les goûts sportifs, apanage de toute la race sans distinction sociale. L’influence britannique s’y exerce prépondérante, exclusive, dans les moindres détails. Les quartiers indigènes de Noshera, très réduits du reste, ne présentent aucun de ces côtés intensément indigènes que l’on retrouve un peu partout dans les cités mixtes, mais tout indique la présence de l’Anglais, depuis les boulangers (le pain est inconnu des indigènes) jusqu’au débit de boissons spiritueuses, les boutiques de selliers et de bouchers. Tout cela vit d’eux et forme une population flottante qui ne s’est établie là que pour leur utilité.

L’aspect de la ville et de la campagne environnante est empreint également du sceau de leur irréductible personnalité. Pas de temple, pas de mosquée, aucune de ces constructions bizarres, enluminées de bleu ou de vert, que les indous mettent un amour particulier à élever, mais une église catholique pour les Irlandais, un sanctuaire protestant, rigide, disparate, dans les mimosas roses. Des bungalows bordant des allées droites, entourées de jardins pleins de l’âcre parfum de milliers de chrysan-