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de la vie quoti­dienne, un prétexte à souffrir un peu, ou beaucoup, à rire de soi beaucoup, ou un peu, en tout cas toujours, et à en voir, sous la splendeur et le charme des apparences, la vanité. Nous savions bien, avant lui, qu’au fond de tout drame il y a une farce, au fond de toute farce un drame, mais que ne savons-nous pas ? Un homme arrive, et, parce qu’il le découvre, il nous apprend tout ce que nous savions. Celui-là a les moyens simples qui sont ceux de la grandeur. Court-il quelque péril grave ? Une distraction énorme le prend au milieu de ce péril. A-t-il quelque douleur à vaincre ? Il se paie un plaisir grotesque qui la lui fait oublier. Quelque grand sentiment le traverse-t-il ? L’homme ou la nature intervient pour le ridiculiser. Et si l’amour même le condamne à quel­que geste pathétique, le voilà pris de hoquet.

Immense ironie des passions et des choses ! Elle l’a fait ainsi qu’il ne les voit qu’au travers d’elle. Et l’affreux, voyez-vous, c’est qu’il désire les choses et éprouve les passions. Qui donc devine son remords, sa peine, ses élans exquis de pauvre qui se dépouille sans le dire pour plus pauvre que lui ? Qui, sa bonté évangélique ? Il aime, et nul ne le voit. Il a faim, et nul ne le sait. Il ne s’en fâche pas. Il ne s’en étonne même pas. Car lui-même se surveille et ne peut se prendre au sérieux. Ces contrastes, où chacun de ses gestes emprunte sa puissance comique, il n’a pas besoin, pour les voir, d’observer le monde. Ils sont en lui. Ils