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un homme à tête d’aigle aux mains ouvertes par où la flamme de l’esprit semblait passer dans le monde, il gardait jalousement pour lui le sens occulte de la forme et du geste, et le sculpteur ne puisait l’enthousiasme qui faisait frémir la matière que dans la matière elle-même et la foi qu’il avait en l’existence réelle des mythes animés par lui. Si le monstre était beau, c’est que le sculpteur était vivant. Le profond occultiste n’y était pour rien, le naïf artiste pour tout.

Nous ne savons réellement que ce que nous avons appris par nous-mêmes, et la découverte personnelle est notre unique source d’enthousiasme. Les généralisations les plus hautes sont parties du sentiment le plus obscur et le plus fort pour se purifier de degré en degré en s’élevant vers l’intelligence. Elles sont ouvertes à l’artiste qui doit logiquement et fatalement s’acheminer vers elles. Mais la faculté de donner la vie au langage dans lequel ils nous les communiquent n’est ni logiquement ni fatalement impartie aux philosophes. La généralisation n’est jamais un point de départ, elle est une tendance, et si l’artiste avait commencé par l’occultisme, il eût condamné ses œuvres à la raideur de la mort. Or, même raide comme un cadavre de par la volonté du prêtre, la statue égyptienne vit de par l’amour du sculpteur. Seulement, l’évolution humaine marche d’un bloc, et l’instinct de l’artiste s’accorde étroitement avec l’esprit du philosophe, pour donner à leurs créations abstraites ou concrètes le même rythme qui exprime un même besoin général.

III

Quoi qu’il en soit, c’est la foule et rien qu’elle qui a répandu sur le bois des sarcophages, sur le tissu compact des hypogées, les fleurs pures, les fleurs vivantes, les fleurs colorées de son âme. Elle a chuchoté sa vie dans les ténèbres pour que sa vie resplendît à la lumière de nos torches quand nous ouvririons les sépulcres cachés. La belle tombe était creusée pour le roi ou