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dureté de sa vie le tourna vers la mort, il imprima du moins à son passage sur la terre la marque d’un génie géométrique profond.

Étrange peuple exprimant en théorèmes de basalte les pLus vastes, les plus secrètes, les plus vagues aspirations de son monde intérieur ! L’esprit de l’Égypte est absolu et somnolent comme les colosses allongés sur sa pierre tombale. Et pourtant, hors le mystère de la vie toujours recommençant, toujours semblable à lui-même, en tous temps, sous tous les ciels, il n’y a rien que d’humain et d’accessible à notre émotion dans le silence rayonnant qui paraît sourdre de ces figures immobiles entre des plans définitifs. L’artiste égyptien est un ouvrer, un esclave qui travaille sous le bâton, comme les autres. Il n’est pas initié aux sciences mystiques. Nous savons mille noms de rois, de prêtres, de chefs de guerre et de villes, nous n’en savons pas un de ceux qui ont exprimé la vraie pensée de l’Égypte, celle qui vit toujours dans la pierre des tombeaux. L’art était la voix anonyme, la voix muette de la foule broyée et regardant au-dedans d’elle l’esprit et l’espoir tressaillir. Soulevé par un sentiment irrésistible de la vie auquel il était interdit de se déployer en surface, il le laissait, de toute sa foi comprimée, brûler en profondeur.

Il n’est pas vrai, quelque saisissantes et divinatoires que puissent être les intuitions métaphysiques que les castes sacerdotales se transmettent à travers les temps, en Égypte comme en Chaldée, avec le pouvoir - il n’est pas vrai que les mystérieuses images qui les symbolisent leur doivent leur beauté. Chez l’artiste, I’instinct est au commencement de tout. C’est la vie, dans son mouvement prodigieux où la matière et l’esprit se mélangent sans qu’il songe à les désunir, qui allume en lui l’étincelle et dirige sa main. A nous de dégager de l’œuvre d’art sa signification générale comme nous la dégageons de la vie sensuelle, sociale et morale qu’elle nous résume en un éclair. L’artiste égyptien obéissait à certaines indications plus souvent restrictives qu’actives que le prêtre lui dictait. Quand il lui demandait de tailler dans le grana un lion à tête humaine,