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tiquer. Au-dessous d’elle et de lui, avec quelques intermédiaires, officiers, chefs de villes ou de villages, gouverneurs armés du bâton, la multitude. Pour quelques heures de repos dans la nuit brûlante, sur le sol de boue durcie, pour le pain et l’eau, rien que la vie d’esclave laboureur ou moissonneur, maçon ou tailleur de pierre, le travail commandé, les coups. Cent générations usées à bâtir des montagnes, hommes rompus de corvées au-dessus des forces de l’homme, femmes déformées avant l’âge pour avoir été trop misérables et avoir porté trop d’enfants, enfants déviés et déjetés avant de naître sous le poids invisible des servitudes séculaires. Un affreux cauchemar. A peine, tout au fond, l’espoir des métamorphoses futures, lueur trouble et vacillante pour le pauvre qui n’aura pas de tombeau.

Comment, dans cet enfer, l’Égyptien n’a-t-il pas cherché et trouvé la consolation dangereuse du spiritualisme absolu ? Le vivant désir est plus fort que la mort. Naturiste et polythéiste dès l’origine, sa religion garda l’amour de la forme où nous retrouvons notre espoir. Ses statues donnaient au mystère un squelette indestructible et jamais il n’adora ses dieux que sous la forme humaine ou animale. Le milieu où il avait à vivre ne lui permit pas de s’absorber dans la contemplation sans frein.