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différer étrangement. On a cherché dans ces analogies, avec une ingénuité quelque peu touchante, l’amorce d’une hypothèse singulière, - la fuite des tribus périgourdines ou pyrénéennes, chassées par l’inondation, vers les rivages plus cléments de la mer orientale. Pourquoi, dès lors, ne pas imaginer un exode en sens inverse, quand on se trouve en présence des parentés morphologiques impressionnantes qui rendent si proches l’un de l’autre l’art grec du vie siècle et l’art français du XIIe, l’art grec du Ve siècle et l’art français du XIIIe, l’art grec du IVe siècle et l’art français du XIVe ?

Je vois des raisons plus profondes à ces parallélismes évidents, une marche commune de l’esprit, parti de constatations analogues, vers des étapes voisines et de semblables conclusions. L’intelligence européenne, dans les régions méridionales et occidentales du moins, est construite à peu près sur le même plan. L’art occidental entier, de son passé le plus lointain à ses manifestations contemporaines, en passant par la Grèce et Rome, par la France et l’Italie du Moyen Age, par la Renaissance et ses rameaux divers, par l’art classique italien ou français, par la peinture flamande, hollandaise, anglaise, ou même espagnole, est maintenu en des limites étroites - entre lesquelles il joue, d’ailleurs, à toutes ses époques, avec une liberté, une variété, une imagination admirables -par une conception anatomique de la forme dont son rationalisme n’a jamais pu s’affranchir. Le mystère lui répugne, et le symbole. Il décrit, il n’évoque pas. Que son protagoniste soit un pauvre chasseur de rennes, quelque humble imagier picard, qu’il s’appelle Phidias ou Giotto, Michel-Ange ou Velazquez, Titien ou Fouquet, Poussin ou Vermeer, Breughel ou Corot, il tient d’abord à être exact et ne diffère du voisin que par Ia façon de conter non pas ce qui se passe en lui ou ce qui pourrait être, mais ce qu’il se représente comme se passant hors de lui, ce qui est.

C’est à peu près le phénomène contraire qui caractérise l’art d’Orient, surtout si l’on veut bien considérer que l’art assyrien et l’art égyptien tout entiers, comme l’art grec à ses