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sance s’accroîtra d’obscurité et de mystère [9] . La fresque apparaît, larges peintures synthétiques, ocres, noires, sulfureuses, presque effrayantes à voir dans leurs ténèbres et par leur insondable antiquité, rennes et bisons, chevaux et mammouths, quelquefois monstres composites, hommes à tête d’animal. Parfois, comme à Altamira, toutes les bêtes en troupeau désordonné, et, au milieu d’elles, des figures admirables qu’un grand artiste a pu seul réaliser, de par le dessin sûr, abrégé, volontaire, le modelé subtil et ondoyant comme une moire, les passages discrets, la vie violente, le prodigieux caractère.

III


La fresque des cavernes est donc probablement la première trace visible de la religion qui va désormais poursuivre sa commune route avec l’art. Comme lui, elle est née du contact de la sensation et du monde. Au début, tout, pour le primitif, est naturel, et le surnaturel n’apparaît qu’avec le savoir. La religion, dès lors, c’est le miracle, c’est ce que l’homme ne sait pas, n’a pas encore atteint, et, plus tard, dans les formes épurées, ce qu’il veut savoir et atteindre, son idéal. Mais, avant le surnaturel, tout s’explique dans la nature, parce que l’homme prête à toutes les formes, à toutes les forces, sa propre volonté et ses propres désirs. C’est pour l’attirer que l’eau murmure, pour l’effrayer que le tonnerre gronde, pour éveiller son inquiétude que le vent fait frémir les arbres, et la bête est, comme lui-même, remplie d’intentions, de malices, d’envie. Il s’agit de se la rendre favorable et d’adorer son image afin qu’elle se laisse prendre et manger. La religion ne crée pas l’art, c’est au contraire l’art qui la développe et l’assied victorieusement dans la sensualité de l’homme en donnant une réalité concrète aux images heureuses ou terribles sous